Mauvais Genre de Chloé Cruchaudet

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Quatrième de couverture:

Paul et Louise s’aiment, Paul et Louise se marient, mais la Première Guerre mondiale éclate et les sépare. Paul, qui veut à tout prix échapper à l’enfer des tranchées, devient déserteur et retrouve Louise à Paris. Il est sain et sauf, mais condamné à rester caché dans une chambre d’hôtel. Pour mettre fin à sa clandestinité, Paul imagine alors une solution : changer d’identité. Désormais il se fera appeler Suzanne. Entre confusion des genres et traumatismes de guerre, le couple va alors connaître un destin hors norme. Inspiré de faits réels, Mauvais Genre est l’étonnante histoire de Louise et de son mari travesti qui se sont aimés et déchirés dans le Paris des Années folles.

Mon avis:

Paris, 1911. Paul et Louise avaient prévu de faire pousser des fleurs (pleines de vase) dans le jardin d’hiver de leur future petite maison. Ils en avaient plein, de jolis projets, mais l’Histoire ne leur accordera pas. Paul et Louise viennent seulement de célébrer leur union, que le jeune époux est appelé à combattre. L’heure n’est plus aux rêves d’avenir mais à la survie. Paul voit ses compagnons mourir, sombrer dans la folie, l’horreur est insupportable et l’événement de trop pousse Paul à devenir déserteur. Aidée de sa Louise, il se terre dans un hôtel miteux. Seul dans sa chambre, les journées traînent lentement. Louise partit faire vivre tant bien que mal son couple, retrouve, le soir, un mari exécrable. Paul rumine sa solitude, jusqu’au jour où il pense trouver la solution. Si vivre sous l’identité de Paul reste dangereux, se grimer sous les traits d’une femme n’éveillerait aucun soupçon. C’est ainsi que née Suzanne, Suzy pour les intimes, car cette demoiselle n’a pas fini de s’inviter dans le couple et dans l’esprit de Paul.

Adapté du récit historique La Garçonne et L’Assassin de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, Mauvais Genre est bien plus qu’une bande dessinée sur le travestissement. Elle conte l’histoire vraie de Paul Grappe et Louise Landy bousculée au début de la Première Guerre Mondiale. La terreur et les traumatismes de la guerre parcourent les planches et sont sans cesse rappelés par les tons sombres de l’illustration. Une teinte de rouge vient parfois twister la douleur et nous retrouvons l’effervescence du Paris des Années Folles.

La quête de soi est au centre du récit, nous voyons un Paul laissé toute sa place à Suzanne et s’épanouir dans ce nouveau rôle. Chloé Cruchaudet a su cerné ce personnage double et complexe et en a extrait toute sa beauté. Louise n’est pas en reste, commence alors une sorte de triangle amoureux, lourde de conséquences et les désillusions prennent part à la danse.

Mauvais Genre est une œuvre très forte. À lire !

Ma note: 4/5

Lisez aussi les avis de Moka, Mes pages versicolores et La bibliothèque de Bénédicte !

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Zaï Zaï Zaï Zaï de Fabcaro

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Cette drôle d’histoire commence au supermarché. Fabrice, caddie plein, arrive à la caisse, mais sacrilège, il n’a pas sa carte de fidélité. Il s’excuse de ce simple oubli, prétexte une simple erreur de pantalon, malheureusement la caissière et le vigile ne sont pas dupes et demandent à l’énergumène de les suivre. Pris de panique, l’homme menace la sécurité d’un poireau et s’enfuit. S’ensuit cavale et course folle pour retrouver l’ennemi public n°1, qui a en plus la mauvaise idée d’être auteur de BD…

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Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Oui, vous avez bien lu, voici un monde où notre carte de fidélité est notre identité même, où le poireau est une arme aussi dangereuse qu’un poignard, où le métier de dessinateur n’est pas des plus recommandables. Pourtant derrière cette absurdité débordante, matière à rire, c’est les travers de notre société que tourne en dérision l’auteur. Une pléthore de sujets passe sous les yeux rieurs de Fabcaro : consommation, médias, politique, valeurs et même le statut de dessinateur. On s’amuse à relire des passages hilarants, à s’épater devant ses chutes plus barrés les unes que les autres. Fabcaro fait preuve d’une imagination aussi fantasque que lucide qui s’allie à merveille aux traits minimalistes des illustrations et à cette drôle de couleur caca d’oie.

Une bande dessinée qui a rempli son défi, après ces derniers jours moroses… Un quasi coup de cœur !

Lisez aussi les avis de Folavril et Celina !

Ma note: 4,5/5

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Les équinoxes de Cyril Pedrosa

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Quatrième de couverture:

– Mais peut-être que c’est pas si mal, tous ces doutes.
– Comment ça ?
– Ben, tu vois… ça crée un déséquilibre… mais qui met en mouvement.

Pendant les équinoxes, la durée du jour égale celle de la nuit, comme si le monde trouvait alors l’équilibre parfait entre l’ombre et la lumière. Un équilibre fugitif, semblable à l’enjeu de nos destinées humaines. Un récit en quatre tableaux, quatre saisons, traversées par des personnages de tous horizons géographiques ou origines sociales. Des êtres aux équilibres instables qui croiseront d’autres solitudes. Ils tisseront, les uns avec les autres, le fil ténu d’une conscience tourmentée par l’énigme du sens de la vie. Chaque saison a son identité graphique, chaque voix également. Auteur majeur de la bande dessinée contemporaine, Cyril Pedrosa signe ici une oeuvre polyphonique d’une intensité et d’une sensibilité narrative unique. Et jamais sans humour.

Mon avis:

Quatre saisons et une pléthore d’âmes esseulées.

Une photographe qui capture dans son objectif les solitudes, miroirs d’elle-même. Une adolescente qui grandit. Un homme à bout de souffle. Deux hommes à bout de souffle. Une élue. Des frères.

Vacillant entre chacune de ces vies, Cyril Pedrosa conte ces vies perdues qui se croisent et se mélangent, à l’image de la couverture. Automne. Hiver. Printemps. Été. Chacune des saisons à son art et sa technique pour créer des atmosphères toutes particulières. L’émotion est bien là. L’auteur capte l’instant avec justesse, l’humain est beau même dans ses erreurs.

À côté des planches, des textes. Le croisement d’un regard dans la rue et la vie du personnage nous est chuchotée. Étrangement, au lieu de me captiver, ses écrits m’ont parfois lassé et ont chagriné ma lecture. Mais, l’oeuvre reste magistralement orchestrée et me suivra longtemps. Un ouvrage intime dont j’ai compris la portée une fois la dernière page tournée…

Ma note: 4,5/5

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Le Sculpteur de Scott McCloud

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Quatrième de couverture:

En mal d’inspiration, David Smith, jeune sculpteur torturé se voit proposer un pacte qui lui permettra de réaliser son rêve d’enfance : sculpter ce qu’il souhaite à mains nues.

Mais rien n’est éternel et tout a un prix. En échange de sa vie, il aura deux cents jours pour créer son OEuvre. Et il va le payer encore plus cher : au lancement du compte à rebours, il rencontre le grand amour… De quoi ébranler toutes ses certitudes.

Une interprétation moderne, implacable et poétique du mythe de Faust.

Mon avis:

Seul à une table de café, David Smith regarde ses mains. C’est le jour de ses vingt-six ans, le jour d’un bilan. Qu’a-t-il fait de son rêve d’enfant ?

Son rêve, c’est de vivre de son art, d’être reconnu, mais malgré un début prometteur, dans un monde où il est aussi question d’argent, David Smith tombe dans l’oubli. Alors qu’il rumine, une vieille connaissance entre dans le café, c’est son oncle Harry. Enfin, pas tout à fait…

« – Que donnerais-tu pour ton Art, David ?
– Je donnerais ma vie. »

La Mort se cache sous les traits d’Harry et lui propose un marché : David pourra créer tout ce qu’il souhaite de ces dix doigts, mais ne possèdera que de 200 jours pour créer son Oeuvre.

Cette bande dessinée semblait prometteuse, n’ayant lu que des critiques positives, j’ai pris mon billet pour les rues grouillantes de New-York, les yeux fermés. Pourtant, après plusieurs pages, je me rends compte que je passe à côté de l’histoire, ma lecture n’est plus plaisir. Pourquoi ? Certainement, mon absence d’empathie pour le personnage de David. Complètement obnubilé par son art, David en devient peu sympathique. Il préfère geindre qu’agir. C’est dommage, Scott McCloud offrait d’intéressantes réflexions sur l’art, la vie, la mort et le deuil, les rêves et les promesses…

J’avais aussi choisi cette bande dessinée pour l’ambiance qu’elle semblait dégager. Elle avait un côté comics qui changeait de mes habitudes de lecture, mais malgré les planches en noir et blanc rehaussées de bleu, les longueurs prennent le dessus.

C’est raté pour moi, mais qui sait si cette nouvelle adaptation du mythe de Faust ne marchera pas pour vous !

Ma note: 3/5

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Un océan d’amour de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione

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Quatrième de couverture:

Exceptionnellement, vous trouverez la quatrième à la fin de l’article…

Mon avis:

Un océan d’amour est à la fois un récit drôle et tendre sur la vie d’un couple breton, un drame environnemental, un hommage à Gaston Lagaffe, une escapade à Cuba, enfin, un parfum d’ambiance option sardine à l’huile.

L’histoire commence un matin, très tôt, alors que le pêcheur aux gros binocles se lève, son épouse, en habit traditionnel breton, lui prépare amoureusement une bonne crêpe garnie. Tandis que l’homme se régale, elle lui glisse dans son panier-repas, comme à son habitude, une boite de sardine à l’huile qu’il pourra déguster lors de son déjeuner. À la tête désabusée du pêcheur, pas sûr que cette boîte vaille une crêpe. Un au revoir affectueux sur le pas de la porte, et le couple ne sait pas encore quelle aventure extraordinaire il va vivre.

Lupano & Panaccione nous raconte un périple riche en émotion et en sel marin. Mais l’originalité va plus loin puisque cette bande dessinée est totalement muette (aucune bulle à l’horizon). Toutefois, la compréhension reste simple grâce aux planches nombreuses et riches en expressions. Les pages se dévorent et défilent à une allure folle. Malgré une barrique de bons sentiments et des situations rocambolesques en pagaille, le lecteur embarque. C’est un récit qui soulève des questions sociétales, mais surtout qui aborde la vie d’un couple prétendument ordinaire, qui s’aime tout simplement.

Conquise.

Alors, qu’attendez-vous ? À l’abordage moussaillons !

Ma note: 4,5/5

Extraits:

« À consommer de préférence avant que la mer ne fasse plus rêver. »

Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh

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Quatrième de couverture:

Mon ange de bleu
Bleu du ciel
Bleu des rivières
Source de vie

La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir et lui permettra d’affronter le regard des autres. Un récit tendre et sensible.

Mon avis:

Clémentine, une fille comme les autres.

Clémentine a seize ans et un petit copain. Elle l’aime bien pourtant, dans l’intimité quelque chose ne va pas. Ça l’a chagrine cette histoire, Clémentine. Et lorsqu’elle croise par hasard une jeune fille aux cheveux bleus au bras d’une autre fille, autant dire que c’est une tornade dans la vie de l’adolescente.

Sans nul doute cette inconnue l’attire et fait naitre chez elle des sentiments nouveaux. Elle s’appelle Emma et aime les filles. Etudiante en art, Emma devient peu à peu une amie pour Clémentine et bien plus.

C’est l’histoire d’un amour plus fort que la bêtise. Clémentine a honte d’aimer une fille. Il faut dire qu’elle a un entourage qui ne s’y connait pas trop en « différence » et ouverture d’esprit. Les propos sont violents et ne font que culpabiliser Clémentine, contrainte de cacher ses sentiments, contrainte de se mentir pour être aimé, contrainte de choisir.

Julie Maroh écrit et dessine là une histoire d’amour sublime. En noir et blanc, les planches laissent tout de même encore passer l’espoir, ce bleu, une couleur si chaude… Les gros plans capturent l’instant. Surtout les visages, intenses et expressifs. Amour et mélancolie sont mes mots pour résumer cet ouvrage. Dommage pour les quelques fautes d’orthographe !

Clémentine est une fille comme les autres, c’est eux qui ne veulent pas le voir.

Ma note: 4/5

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Blankets manteau de neige de Craig Thompson

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Quatrième de couverture:

Je voulais le ciel. Et j’ai grandi en m’efforçant d’obtenir de ce monde… un monde éternel.

Mon avis:

Dans une ville du Wisconsin, grandit un petit garçon.

Entre un père autoritaire et une mère très croyante autant dire que cela file droit dans la famille Thompson, le petit frère dans le cagibi s’en souvient. À l’école ce n’est guère mieux, le gringalet peine à se faire des amis et ne connait que succession de railleries. Le dessin apparaît alors comme une véritable porte de sortie pour le jeune Craig. Ce monde qu’il ne comprend pas, qu’il redoute semble pouvoir être vaincu à coup de crayon. Sa rencontre avec la douce Raina lui donnera la clé pour appréhender sa future vie adulte.

Je quittais Craig Thompson avec Un Américain en balade, pour cette fois je remonte le temps et apprivoise sa jeunesse. Je retrouve ce qui m’avait plu dans ma toute première découverte, à savoir des planches entre réalisme et rêverie. Des nuits partagées avec son petit frère dans le même lit à son départ du nid familial, en passant par ses doutes quant à la religion, Craig retrace sa vie. Le dessin, en noir et blanc, est riche et charmeur. Avec un pavé de près de 600 pages, l’auteur-illustrateur nous offre un voyage dans le monde incertain et plein d’espoir de l’enfance. Véritable ode à son premier amour, le récit est sensible, tendre et émouvant. C’est chaud et rassurant. À lire.

Ma note: 4,5/5

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« Je crois toujours en Dieu, à la parole de Jésus aussi, mais le reste du christianisme… cet Bible, ces églises, ce dogme… seulement dressés pour séparer les peuples et les cultures. C’est comme nier la beauté d’être un Humain et ignorer tous ces espaces qui ont besoin d’être remplis par l’individuel. »

« Parfois au réveil, les souvenirs laissés par un rêve sont plus beaux que la réalité, et on a pas envie de les oublier. Pendant un moment, vous vous sentez comme un fantôme… pas entièrement matérialisé et incapable de composer avec ce qui vous entoure. Ou bien, c’est le rêve qui vous hante. Vous attendez la promesse d’un prochain rêve. »

Léa ne se souvient pas comment fonctionne l’aspirateur de Gwangjo et Corbeyran

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Quatrième de couverture:

Lundi matin. Pénible, comme tous les lundis. Tôt, comme tous les matins. Je me lève la première pour préparer le petit déjeuner à Xavier.

Quelques phrases jetées sur les pages d’un journal intime oublié dans une poubelle et Louis Levasseur, écrivain raté et fauché, renoue avec l’inspiration. Le contenu du journal est explicite : Léa a un problème avec les appareils électroménagers et tout ce qui constitue l’univers de la femme au foyer. Conquis par cette amnésie singulière, Louis s’empare du propos de cette « ménagère inconnue » et en fait l’héroïne de son nouveau roman, transformant au passage Léa en icône révolutionnaire. Auréolé du succès planétaire de son best-seller, Louis est désormais heureux et comblé. Jusqu’au jour où il découvre la « vraie » histoire de Léa.

Mon avis:

Aux premiers abords, c’est le titre du livre qui m’a intriguée. Léa ne se souvient pas comment fonctionne l’aspirateur. Un titre à rallonge, plutôt sans queue ni tête, comme on en voit beaucoup en ce moment. En feuilletant, je remarque que les dessins sont assez sombres, à voir… Je retourne l’ouvrage, un pitch qui me décide à l’emprunter.

Louis Levasseur est un écrivain paumé qui n’a pas publié depuis des années, il est seul, fauché et en manque d’inspiration. Un jour par (un heureux) hasard, alors qu’il cogitait sur son existence, il découvre dans les poubelles en bas de chez lui, le journal intime de Léa. Touchée par une « maladie » singulière, Léa expose dans ce journal, son incapacité à utiliser les différents appareils électroménagers qui occupent son quotidien, du lave-linge au fer à lisser. Inspiré, Louis s’accapare de cette étrange histoire et tire de ce journal, son futur succès littéraire. Mais Louis ne connait pas toutes les zones d’ombre de la vie de Léa et cette publication ne sera pas sans conséquence…

Avant toute chose, je retiendrai de ce roman graphique, la qualité du dessin. Tout en crayon papier, les planches sont criantes de réalisme, chaque geste, chaque émotion sont transmis à travers les traits. Même si pour ma part, le réalisme des dessins n’est pas une chose absolument nécessaire pour apprécier une lecture et n’est pas forcément ce que je préfère, j’ai été agréablement surprise. D’autant plus que cela correspond bien à la trame de l’histoire. Dès le début, j’ai compris la face cachée de la vie de Léa d’où provenait cette amnésie particulière. Ainsi, le lecteur est empressé de connaître l’issue de toute cette histoire qui s’annoncera nuageuse. Une lecture dont on ressort mélancolique par le sujet traité…

Ma note: 3,5/5

Extrait:

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Dans un thème similaire, il y a également la bande dessinée Inès de Loïc Dauvillier et Jérôme d’Aviau.